Le rôle des parlementaires est double. Pouvoir législatif, ils sont chargés d’écrire la loi et concomitamment de contrôler le pouvoir exécutif, c’est-à-dire le gouvernement.
Les sénateurs disposent pour cela de moyens que leur confère la Constitution. Ils travaillent en commissions, tout comme les communes, et auditionnent les experts qu’il leur semble utile d’entendre pour éclairer, écrire ou amender la loi.
Elus de la nation, les parlementaires ne sont pas hors sol pour autant. Ils sont en semaine à Paris et, le reste du temps, arpentent leurs circonscriptions pour un travail de terrain pas toujours médiatisé. Sylvie Robert et moi avons à cœur de rester disponibles pour écouter les forces vives de nos territoires, élus, entrepreneurs, salariés, associations… Par cette écoute et ces échanges riches en contenu, nous nous faisons le relais des problèmes et des préoccupations dites « de terrain ». Parce qu’on est plus intelligent ensemble que seul dans une assemblée à travailler des dossiers, aussi pertinents soient-ils.
Aussi, nous paraît-il utile désormais de faire le récit de ces rencontres au travers de ce blog, dans le respect de la confidentialité des propos si nécessaire, mais toujours avec sincérité et passion des territoires.
Le Canton de Vitré
Le vendredi 6 avril 2018, nous nous sommes rendus dans le canton de Vitré. Comme toujours nous avons avisé et invité les Maires du canton à se joindre à nous. Certains nous ont même fait l’honneur d’un échange privilégié au cours de la pause méridienne, comme Pierre Méhaignerie, Maire de Vitré et Président de la Communauté d’Agglomération, Joël Marquet Maire de La Chapelle-Erbrée, Pierre Billot Maire d’Erbrée. Hervé Utard, Conseiller Régional nous accompagnait également.
Le canton de Vitré est un canton dynamique sur le plan économique et inclusif sur le plan social. Il recèle des pépites porteuses d’espoirs pour un développement futur, des entreprises publiques comme l’hôpital, des entreprises agricoles… Ces entreprises différentes par leur secteur d’activité, mais similaires sur bien des aspects : des dirigeants engagés et passionnés, des collaborateurs impliqués et des problématiques de développement souvent marquées par des contraintes extérieures chronophages, parfois ubuesques en terme de réglementation ou d’absence de réglementation.
Ces acteurs ont bien voulu prendre le temps de nous expliquer leurs problèmes avec des situations concrètes que le législateur n’a pas su anticiper. Cela va nourrir notre action de Sénateurs dans les prochains mois et éclairer nos débats futurs. Qu’ils en soient remerciés.
1 – OKWIND : une entreprise dans le vent qui bâtit les solutions de production d’énergie autonomes et responsables. Lien : www.okwind.fr
Cette entreprise est l’illustration d’un partenariat public-privé intelligent et d’une prise de risque partagée par le territoire.
Au départ des porteurs de projets, avec une idée simple nourrie par leur vécu et l’observation des besoins et des tendances : le développement, la fabrication et l’installation de systèmes de production d’énergie renouvelable en autoconsommation ou en site isolé. La collectivité les accompagne en rachetant des locaux capables de les accueillir.
L’idée : Les réseaux de distribution coûtant très chers, rapprocher production et consommation d’énergie sur la base de circuits courts est non seulement pertinent économiquement mais souhaitable sur le plan environnemental. Cela fait également du citoyen un acteur de sa propre consommation.
Le produit : Le tracker solaire : Faible emprise au sol. Avec un suivi biaxes sur mât, le fonctionnement est proche de celui du tournesol à la recherche d’un rayonnement maximum en restant perpendiculaire aux rayons du soleil = production constante. Plus facile à utiliser qu’un fixe. Ce suivi permet une augmentation de 40 à 50 % de la production. Il fournit 90 % de la consommation a minima sur chaque site. Un suivi 24/24 h, 7/7 jours. Logiciel pour consulter et suivre les consommations en temps réel. Une seule contrainte : l’ombre. Surface des panneaux : jusqu’à 110 m3 à 8 mètres du sol.
Après des débuts difficiles, car l’investissement initial est conséquent et la trésorerie tendue, l’entreprise a su trouver son marché en France, par exemple auprès des agriculteurs et des éleveurs : plus de 360 sites installés sur la France entière fin mars 2018 et une mise en service de 25 modèles par mois. Elle compte aujourd’hui 35 emplois et prévoit 14 embauches en 2018 avec le développement prévu à l’export. Une réussite remarquable qu’il nous faut soutenir. Elle consacre une grande partie de son chiffre d’affaires à la Recherche et Développement en collaboration avec des laboratoires publics de recherche (Rennes 1 …)
Bilan : Une énergie verte, une meilleure maîtrise de l’énergie, une nette amélioration de la compétitivité agricole s’inscrivant dans un développement durable.
Problème : Quelles taxes demain ?
Ces installations bénéficient aujourd’hui d’une exonération de taxe, mais quelles seront-elles demain quand les utilisateurs revendront au réseau collectif le surplus de production d’énergie ? Nous serons vigilants à ce que ces technologies de rupture technologique et de business model ne voient pas leurs efforts annihilés par des règles de taxation raisonnant trop souvent par analogie avec l’existant au risque de tuer les bourgeons qui fleuriront demain.
2 – L’Hôpital de Vitré : une assurance santé et bien vieillir, et un poumon économique pour le territoire
On n’y pense pas toujours, mais l’hôpital est souvent un des plus importants employeurs sur son territoire d’implantation. Le Directeur, M Alain Groheux, a ainsi la charge de 2 établissements : Vitré et La Guerche, desservant 60 à 80 000 habitants de l’agglomération. L’hôpital local travaille en collaboration avec le CHU de Rennes pour l’activité de cancérologie digestive et traitements chimio, et avec Fougères, permanence mutualisée scanner, échographie, mammographie. Il assure 48 000 consultations externes assurant la sécurité sanitaire des habitants 24h/24.
Les chiffres clés :
140 lits, 10 000 séjours/an, 20 000 accueils aux urgences, 500 SMUR.
Maternité 2A : accueil enfants à partir de 34 semaines.
750 agents à Vitré. Environ 1 000 avec La Guerche. 9 % de progression d’activité. L’hôpital a légitimement la confiance de la population. 2 femmes sur 3 y accouchent. Même ratio en médecine (60 % de l’activité). 1 personne sur 2 en chirurgie.
Les problèmes :
- Comment assurer la permanence des soins en lien avec le secteur privé ?
- Comment faire face à la baisse de la démographie médicale ?
- Comment proposer des rendez-vous aux patients dans des délais raisonnables ? par exemple en ophtalmologie, Urologie, …
- Comment promouvoir des maisons de santé pluridisciplinaires en concertation avec l’hôpital ?
- Comment faire face aux besoins de médecins, notamment aux urgences ?
- Comment faire face aux besoins budgétaires dans un cadre de tarification à l’acte sans négliger des pathologies coûteuses ?
- Comment maintenir une maternité de proximité avec un haut niveau de technicité dans un contexte de baisse démographique ?
- Comment assurer des moyens de fonctionnement pérennes?
Autant de questionnement devant lesquels les équipes de direction et les équipes soignantes ne doivent pas être seules. Nous serons à leur coté pour mener ce débat avec le ministère et l’ARS. L’humanité d’une société se mesure à l’aune du soin qu’elle apporte aux plus faibles et aux plus démunis.
EXPLOITATION BINOIS – 70 vaches
Le problème des producteurs laitiers, comme beaucoup d’agriculteurs, est de vivre de la vente de leur production. Dans un contexte de fin des quotas laitiers, les producteurs se retrouvent face à une concurrence intra européenne et mondialisée quelque peu inégale compte tenu du dumping de certains pays. Dans le même temps, ils signent des contrats de vente à des centrales d’achat surpuissantes qui n’hésitent pas à jouer les pays les uns contre les autres. Résultat : on marche sur la tête. Les agriculteurs ne vivent pas de leur travail, tandis que les consommateurs payent le prix fort et ne peuvent soutenir la production nationale volontairement faute d’informations.
Les agriculteurs se regroupent donc en syndicats. Monsieur Binois, président du second syndicat en Ille-et-Vilaine nous a exposé leur besoin de se faire entendre des pouvoirs publics et des consommateurs.
On ne peut pas se satisfaire que seule la surproduction crée une régulation. Il en va de notre indépendance alimentaire, mais aussi de l’aménagement du territoire. Le désert en dehors des villes n’est pas une option viable à long terme. Cela implique de soutenir ceux qui nous nourrissent et font vivre les paysages ruraux que les citadins aiment arpenter.
Les producteurs de lait conventionnels doivent pouvoir vivre de leur exploitation.
Propositions :
– Renforcer le rôle des organisations de producteurs. Aujourd’hui, la partie financière se joue entre le producteur et l’industriel. Il faut donc un régulateur public.
– Arrêter les dérogations sur le taux de nitrates après 15 ans de fraude.
– Réfléchir à l’instauration d’un prix plancher.
– Appliquer les règlements en vigueur. Cf. Etude Filmin.
– Pénaliser ceux qui produisent trop par un système de bonus-malus.
– Stocker le lait au lieu de le brader.
Là encore, il nous appartient de ne pas laisser le renard libre dans le poulailler libre de la production agricole en imaginant les mécanismes de régulation de la libre concurrence. Celle-ci on le sait bien, n’est ni libre ni non faussée !
4 – Aménagement du territoire, développement économique, accompagnement social : des Maires à la manœuvre au quotidien
Enfin, les entreprises ne se développant pas dans le désert, les Maires nous ont fait part de leurs problématiques prégnantes :
- La couverture THD des territoires ruraux. Internet est aujourd’hui un bien de première nécessité, tout report étant pénalisant pour les habitants et les territoires. C’est un des vecteurs essentiels d’équilibre des territoires et de développement économique permettant de créer ou maintenir des emplois au plus près des bassins de vie.
- La nécessité de continuer à investir avec une programmation de long terme dans les aménagements routiers qui diffusent l’activité et la croissance : Contournement de l’est de Vitré par Erbrée …
- Le soutien à l’accession à la propriété dans nos campagnes.
- La diffusion du développement des villes-centres vers les territoires périphériques.
Entreprises, collectivités, emplois, développement des territoires… On le voit ici comme ailleurs, la clé du développement économique et social c’est le travail partenarial animé au quotidien par les élus. Nous agirons pour faciliter l’autonomie locale (ce qui vaut à Paris ne vaut pas forcément à Bréal), le dialogue et le droit à l’initiative des territoires, aux côtés des forces vives qu’ils recèlent comme autant de trésors sur lesquels bâtir le monde de nos enfants.