Je ne fais pas partie de ceux qui pensent qu’il existe un « mille-feuille » administratif, terme notamment employé par ceux qui voulaient voir disparaître par évaporation les départements dans un contexte où l’on a constaté une hausse sans précédent de la demande sociale. En revanche, une meilleure coordination des interventions des différents échelons de collectivités territoriales est indispensable pour gagner en efficience comme en visibilité pour les plus nombreux de nos concitoyens. Dans cette optique, ce sont bien le droit à l’expérimentation d’une part, et la détermination d’un chef de file dans les projets, sans contrainte de chacun sur les autres, qui permettront de mettre en œuvre la cohérence des interventions publiques sur nos territoires.
Surtout, exercer des compétences, c’est d’abord avoir les moyens de les exercer. Le chantier du financement doit avancer en même temps que le projet de réforme territoriale dans sa globalité, avec pour principe directeur l’idée que les ressources des collectivités territoriales doivent évoluer au moins à la vitesse des compétences transférées. C’est la condition, sinon suffisante, au moins nécessaire, à tout mouvement qui se voudrait décentralisateur. Les derniers transferts, abusivement qualifiés d’acte 2 de la décentralisation par JP Raffarin, n’étaient en réalité qu’un bricolage de transferts de charges sans transferts de moyens équivalents, sans que les questions de démocratie locale, de fiscalité et de péréquation, d’équilibre entre les territoires, n’aient par ailleurs jamais été abordées.
Enfin, la nouvelle étape de décentralisation ne peut passer sous silence la question de la redéfinition du politique. La suppression du projet de conseiller territorial est un premier soulagement, tant cet élu hybride s’apparentait à un professionnel de la politique schizophrène, à mi-temps sur deux assemblées.
A l’échelle du Département, en se positionnant pour un redécoupage des cantons et un scrutin binominal mixte, le gouvernement et l’Assemblée Nationale font le choix de l’ancrage territorial des élus. N’en déplaise à ceux qui brandissent l’opposition prétendue des villes et des campagnes, cet ancrage territorial, garant de la juste représentation de nos concitoyens, ne peut aucunement être satisfait par des cantons disproportionnés en termes de densités de population et politiquement représentés par un scrutin de liste.
De fait, la révision de la taille des circonscriptions d’élection des futurs conseillers départementaux est un impératif autant politique que constitutionnel. Qui peut justifier des différences démographiques allant de 1 à 8 selon les cantons d’Ille et Vilaine ? Il en va là du principe d’égalité des citoyens devant le suffrage, principe constitutionnellement reconnu.
Enfin, le scrutin binominal, s’il assure la représentation des territoires, permet également la parité stricte dans l’hémicycle du département. Bien sur, avec les élus de droite en Ille-et-Vilaine, qui ne cessent de s’opposer ces derniers jours à cette réforme salutaire, lorsqu’on parle de parité, il est toujours temps de laisser du temps au temps … Mais la place des femmes en politique n’est strictement que l’œuvre de la gauche : des batailles pour le droit de vote des femmes, aux premières lois sur la parité du gouvernement Jospin, nous n’avons jamais été que seuls pour défendre ce principe élémentaire d’égalité.