Je me suis rendu hier à un comité territorial de suivi du « Parler Bambin », sur l’un des trois territoires expérimentaux du projet, à Louvigné du Désert.
C’est l’occasion pour moi de revenir sur le succès de cette expérimentation qui a su fédérer tous les acteurs (professionnels de la petite enfance, institutions, parents et enfants) bien au-delà des impératifs minimaux que nous nous étions fixés. Indéniablement, c’est un projet qui a pris toute son ampleur dans sa mise en œuvre même, un succès dans le concret, bien au-delà de la réussite imaginée sur le papier.
Réduire les inégalités dès la petite enfance
L’ambition initiale du projet, inspirée de l’expérimentation conduite par le regretté Professeur Zorman à Grenoble, était simple : offrir à tous les enfants, et notamment à ceux qui méritent une attention particulière dès le plus jeune âge, tout le bagage langagier nécessaire à la meilleure intégration possible à l’école et dans la société.
Nous étions partis d’un constat simple : lors de la Journée d’Appel, 15% des jeunes ont des difficultés de compréhension liées à un vocabulaire pauvre. Par ailleurs, lorsqu’un enfant redouble son CP, il n’a pratiquement plus aucune chance d’espérer pouvoir faire des études supérieures. En somme, le système éducatif reproduit, voire amplifie les inégalités. Il est donc de notre responsabilité collective de vouloir agir en amont de ces inégalités déjà fortement ancrées à l’entrée à l’école.
L’évaluation de l’expérimentation faite à Grenoble a montré que l’acquisition du vocabulaire est trois fois plus rapide pour les enfants ayant bénéficié du programme « Parler Bambin » et ces résultats sont d’autant plus probants pour ceux issus de familles défavorisées.
Un an d’expérimentation, de premiers résultats encourageants
En Ille-et-Vilaine, au bout d’un an d’expérimentation sur trois territoires différents – Rennes Bréquigny (urbain), Pays de Liffré (périurbain) et Louvigné du Désert (rural) – les retours des partenaires mettent en avant des effets très positifs du programme en termes d’acquisitions langagières et de communication chez le jeune enfant, d’évolution des pratiques professionnelles et d’accompagnement à la parentalité.
Très concrètement, sur le territoire de Louvigné du Désert, à l’échelle du multi-accueil, les enfants bénéficient d’un atelier Parler Bambin de 10 minutes, trois fois par semaine. Chaque atelier est animé par un professionnel de la petite enfance formé au Parler Bambin avec deux enfants, identifiés comme « petits parleurs » ou non. Au-delà de ces temps d’ateliers bien définis, où le professionnel échange avec les enfants à partir d’un album sur un thème précis, c’est tout le quotidien dans la structure d’accueil qui a été impacté par le Parler Bambin en :
– privilégiant les questions ouvertes auprès des enfants ;
– parlant à tous les bambins, y compris à ceux qui ne parlent jamais ;
– laissant aux enfants le temps de répondre, sans reprendre automatiquement la parole ;
– discutant du langage de l’enfant avec les parents, sans l’aborder nécessairement parce qu’il y aurait suspicion d’un retard ou d’une pathologie du développement.
Les progrès constatés par les professionnels sont unanimement reconnus. Les petits parleurs se lancent à raconter des histoires devant les autres, ils enrichissement leurs champs de mots, prennent confiance en eux et sont plus concentrés.
Aussi, une véritable logique co-éducative s’est instaurée entre les parents et les professionnels des structures, ce qui permet qu’il n’y ait pas de rupture des bénéfices du programme entre la journée en collectivité et le retour à la maison. La crainte initiale d’une réticence éventuelle des parents a largement été levée. Les professionnels du Conseil général et des structures d’accueil ont pris le temps de les informer collectivement et individuellement, parfois très longuement. Aujourd’hui, ce sont même les parents qui attendent avec impatience la circulation de l’imagier Parler Bambin pour amorcer des conversations avec leurs enfants.
En tout sens, l’expérimentation Parler Bambin a eu une forte dimension partenariale et fédératrice :
– des acteurs d’un territoire, tous ceux qui œuvrent pour la petite enfance,
– des équipes de professionnels des structures d’accueil collectif,
– et des partenaires institutionnels (Conseil général, Inspection d’Académie, Structure ou collectivités territoriales gestionnaires des lieux d’accueil).
C’est aussi un projet qui lie le Département d’Ille-et-Vilaine et le laboratoire de psychologie du Développement et de l’Education de l’Université de Rennes 2 : Parler Bambin, c’est un véritable programme de recherche-action, au même titre que celui qui concernera les alternatives aux placements dans le cadre de l’aide sociale à l’enfance.
Un projet qui a fédéré, au-delà du périmètre initial de l’expérimentation !
Tout au long de cette année de mise en œuvre, Parler Bambin s’est inscrit comme un projet tellement fédérateur que l’expérimentation est déjà allée au-delà de son périmètre initial !
Je pense en ce sens à la formation des Technicienne de l’Information Sociale et Familiale (TISF), qui interviennent à domicile, soit à titre préventif, soit dans le cadre de l’aide sociale à l’enfance sur Louvigné du Désert. La médecin de Protection Maternelle et Infantile du CDAS des Marches de Bretagne donnait l’exemple d’un enfant qu’elle avait reçu en consultation et qui, bien que ne venant pas de Louvigné du Désert, avait pu bénéficier du Parler Bambin par l’intermédiaire de la TISF intervenant au domicile de ses parents. Ces derniers, enchantés, étaient fiers d’arriver à la consultation avec la grille de mots Parler Bambin et le constat que leur enfant avait du vocabulaire, bien au-delà de ce qu’ils imaginaient.
Je pense aussi au groupe de travail qui s’est mis en place avec l’Inspection d’Académie pour réfléchir à une poursuite du Parler Bambin dans les écoles maternelles, avec une formation éventuelle des Agents Territoriaux Spécialisés des Ecoles Maternelles (sous réserve de l’adhésion des communes à cette démarche). Parce que beaucoup de mots ne se lisent pas comme ils s’écrivent et parce que les mots permettent de dire les émotions, l’appréhension du langage est primordiale aussi bien pour l’apprentissage de la lecture que pour la maîtrise de ses pulsions. Freud a dit : « le premier homme à lancer une insulte plutôt qu’une pierre est le fondateur de la civilisation ». Le langage est le meilleur antidote à la violence et de fait, s’il est la porte d’entrée du dispositif, le Parler Bambin touche bien plus largement tout le développement de l’enfant dans ses savoir-être et son épanouissement.
Une nouvelle approche des politiques publiques et de l’action sociale
Plus globalement, je veux rappeler que la crise que nous traversons nous invite à une nouvelle approche de toutes les politiques publiques. D’abord, parce que la collectivité publique se doit d’intervenir pour les plus vulnérables d’entre nous. Ensuite, parce que la solidarité est aussi un facteur de croissance et de richesses pour notre société.
Notre projet stratégique départemental, fondé sur le programme duquel nous tenons notre légitimité, a entériné plusieurs principes qui participent de cette orientation : contractualisation avec les personnes et les territoires, implication et responsabilisation des usagers-citoyens, concentration des énergies et des moyens sur des actions de prévention …
D’une façon générale, nous voulons inscrire nos politiques publiques dans le sens d’une meilleure inclusion des plus vulnérables, et ce, dès le plus jeune âge. C’est là que le Parler Bambin prend tout son sens. Si l’école est encore le creuset des réussites, encore faudrait il que tous les enfants y arrivent avec les mêmes atouts, un bagage langagier suffisant pour profiter pleinement des enseignements qui leur sont proposés.
Aujourd’hui, tous les acteurs du Département sont unanimes pour soutenir une poursuite du Parler Bambin au-delà de la phase expérimentale, tant ont été reconnus et applaudis les premiers retours, les effets boule de neige, fédérateurs, démultiplicateurs et d’engouement sur nos territoires, que nous voulons être ceux de la réussite pour tous.
Bravo, c’est tout bénéfice, si je peux m’exprimer ainsi, l’enfant moins, voire plus du tout en constat d’échec se sent valorisé et peut prendre goût comme les autres aux nombreux apprentissages qui l’attendent. Cet investissement est primordial, bravo encore.
Dans le même ordre d’idée, l’apprentissage de l’anglais devrait être également introduit dès le plus jeune âge. Tout le monde constate que les enfants sont de véritables éponges, comprennent et reproduisent tout ce qu’ils voient et entendent, notamment les sons. C’est dès le plus jeune âge que se forme facilement les mouvements des lèvres et de la langue pour émettre le son idoine ( après au collège, parler devient souvent une source de raillerie des camarades et donc de blocage, parce qu’il est plus difficile de modifier son expression orale).
On avait constaté que dans les couples bi-nationnaux, les enfants n’avaient aucune difficulté à parler les langues des deux parents. La science
a montré qu’une zone du cerveau était activé lors de l’usage d’une langue et qu’une autre l’était pour l’autre langue. Ce qui explique l’absence de confusion longtemps crainte pour ne pas commencer un apprentissage précosse .
On gagnerait beaucoup en efficacité en ayant le bon tempo pour cet apprentissage aussi. Là aussi le retour sur investissement est très prometteur quand on voit la piètre situation des Français dans ce domaine.
Pour cela encore bravo
Daniel