« Née de la volonté ardente des Français de refuser la défaite, la Résistance n’a pas d’autre raison d’être que la lutte quotidienne sans cesse intensifiée. »
Ainsi débute le Programme du Conseil National de la Résistance du 15 mars 1944. Nous fêtions le 27 mai les 70 ans de la première réunion du CNR qui devait unifier la Résistance. Cette réunion eut une importance politique considérable puisqu’elle entérina la légitimité du Général de Gaulle comme dirigeant de la France libre et redonna à cette dernière une visibilité en tant que pays allié aux combattants du régime nazi.
À la manière des députés du Tiers-Etat qui promirent de ne pas se séparer avant d’avoir donné une Constitution à la France, par le Serment du Jeu de Paume, le Programme du CNR exprime la nécessité de continuer le combat pour le progrès après la Libération. En effet, celui-ci prévoit un plan d’action immédiate contre l’oppresseur mais aussi de nombreuses mesures destinées à instaurer un ordre social plus juste.
Ainsi, la plupart de nos acquis sociaux est aujourd’hui héritée de cette ambition salutaire, de cette conviction inébranlable selon laquelle la paix ne peut être assurée que par la prospérité économique, l’absence de protection sociale ayant été l’un des facteurs de la montée de la peur et de la haine de l’autre. Le Programme prévoit des mesures politiques telles que le rétablissement du suffrage universel, de la liberté syndicale ou de la liberté de la presse, mais aussi des mesures socio-économiques d’envergure pour assurer une meilleure égalité entre les citoyens. En effet, le Programme prône « l’instauration d’une véritable démocratie économique et sociale, impliquant l’éviction des grandes féodalités économiques et financières de la direction de l’économie », ce qui se traduira par de nombreuses nationalisations dans les secteurs bancaires (la Banque de France et quatre grandes banques de dépôt), industriels (comme Renault) ou énergétiques (le gaz et l’électricité). De même, le Gouvernement provisoire s’est appuyé sur les mesures du CNR pour créer la Sécurité sociale en 1945 avec un système solidaire de financement des retraites.
Se souvenir du Programme du CNR est essentiel pour notre démocratie et il me semble qu’il doit être un phare dans la tempête. Cet ensemble de fondamentaux traversait à l’époque les clivages partisans, rassemblait les vieux rivaux autour d’une idée commune : c’est de la justice sociale que naît la paix. C’est aussi un héritage qui doit nous éclairer et nous préserver des vieux démons qui nous ont collectivement menés à l’horreur, nous éveiller sans cesse à l’impératif démocratique et nous rappeler les désastres causés par l’obscurantisme, par quelque dogme économique ou politique que l’on n’interroge plus. Il nous faut nous souvenir de la lente ascension du nazisme, après la défaite de l’Allemagne en 1918 qui vit naître et croître la rancune de tout un peuple, appauvri par des traités déséquilibrés et par la terrible crise économique de 1929.
Alors, bien sûr, l’histoire ne se répète jamais deux fois de la même manière et il n’est pas question d’établir des parallèles douteux, raccourcis, qui limitent la réflexion et empêchent tout débat. Pour autant, la crise économique que nous vivons doit faire réfléchir et nous rendre plus vigilants. Ainsi, le sort du peuple grec, entre autres, doit nous alerter : avec une personne sur trois vivant dans la pauvreté, les grecs subissent une épreuve effroyable qui se traduit par la montée de la xénophobie et l’élection de députés du parti d’extrême-droite Aube Dorée, se revendiquant ouvertement du néonazisme, au Parlement. En pensant à la crise européenne que nous connaissons aujourd’hui j’ose citer Antonio Gramsci selon qui « le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaître et dans ce clair-obscur surgissent les monstres ». Il relève de notre responsabilité collective de sortir de l’impasse en s’appuyant sur l’héritage du CNR.
Avec les moyens qu’il a, le Conseil général d’Ille-et-Vilaine s’emploie sans cesse à faire vivre l’esprit de solidarité qui animait le Conseil National de la Résistance. Depuis 2004, l’égalité des chances est au cœur de notre politique, la solidarité, l’égalité guident nos choix pour plus de justice, pour une société harmonieuse dans laquelle il fait bon vivre. Nous agissons pour donner à chacun les mêmes chances dès la naissance, indépendamment de son lieu d’habitation, de son origine sociale ou de son sexe.
C’est dans cet esprit que nous allons vouer un million d’euros supplémentaire à la lutte contre la pauvreté et pour l’emploi des jeunes en 2013. Au quotidien, nous sommes les garants de la solidarité, nous consacrons plus de 200 millions d’euros chaque année aux personnes âgées et aux personnes en situation de handicap. De même, nous dédions 120 millions d’euros pour les enfants confiés à l’aide sociale. Enfin, 66 millions d’euros financent le Revenu des Solidarité active, l’une des pierres angulaires de la politique de redistribution des richesses et d’assistance aux plus défavorisés.
Plus que jamais je suis convaincu qu’il nous faut préférer la coopération à la concurrence, la mutualisation à l’individualisme. Parce que nous savons qu’il n’est pas de succès sans une société qui l’encourage, il relève de notre responsabilité collective de lutter contre l’exclusion, de donner à chacun les moyens de son épanouissement et ainsi de nous prémunir contre la violence et la haine qui naissent de la misère.